Enfance
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Dans leur bulle à l’école

Depuis la rentrée, le groupe scolaire Ormesson accueille une nouvelle unité localisée pour inclusion scolaire (ULIS) pour six élèves autistes de CP et CE1. C’est le résultat d’une démarche engagée par la Ville afin de donner aux enfants la place qui est la leur : à l’école.

Comme chaque matin, les élèves se rassemblent autour de leur enseignant devant le tableau afin de déterminer la date du jour. Un rituel suivi minutieusement tout comme l’emploi du temps de chaque enfant. Car toute activité doit être planifiée, balisée, et le temps paramétré à l’aide de sableurs. « Ces élèves, explique leur enseignant Adrien Costil, ont besoin d’être ritualisés et encadrés, sinon on les perd, malgré toutes leurs capacités. » Certains CP savent en effet déjà lire et compter jusqu’à 100 et sont dotés d’une mémoire exceptionnelle. Parce que l’espace doit lui aussi être balisé, la salle est équipée de petites cloisons afin de délimiter un espace de travail à chaque élève et éviter ainsi les stimulations extérieures susceptibles de les déconcentrer.

 

Avec des difficultés à accepter les contraintes mais aussi les changements, les six élèves sont encadrés par trois professionnels spécialement formés : leur enseignant et deux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AEHS) : Magali, diplômée dans l’aide médico-sociale, travaillant depuis 10 ans auprès d’enfants autistes, et Sangeetha qui travaillait déjà dans la salle ULIS-TFC, ouverte à Ormesson en 2017.

  L’ensemble du spectre de l’autisme est représenté parmi les élèves, souligne l’enseignant. Certains ne parlent pas et ont des problèmes cognitifs ; d’autres n’adressent la parole ni aux adultes ni aux autres enfants, ont beaucoup de connaissances mais ont un rendu de travail compliqué ; d’autres encore savent communiquer, ont de grandes capacités mais apprennent difficilement sous la contrainte.

 

Pour l’équipe, il faut donc s’adapter en permanence aux besoins et à l’évolution de chacun, avec souplesse et patience. « Ils nous déstabilisent en permanence mais nous rendent tellement en retour,  confie Adrien. J’ai l’impression de réapprendre mon métier aux côtés d’eux ». « Ils sont terriblement attachants, renchérit de son côté Sangeetha. Si l’Education Nationale délivre des préconisations et accompagne les enseignants, il existe peu de supports adaptés. Une grande partie du matériel est fabriquée par l’enseignant, un travail important de préparation en dehors de la classe commençant à porter ses fruits. « Ils ont énormément évolué depuis la rentrée. Même les praticiens en charge de leur suivi extérieur (psychomoteur, orthophoniste…) constatent leur transformation. À leur arrivée ici -ils viennent d’écoles ordinaires -, aucun n’était élève. »  C’est surtout un soulagement pour les parents, voire même une renaissance. Après des parcours qui relèvent souvent du combattant et parfois l’obligation d’arrêter de travailler pour s’occuper de son enfant, ils peuvent goûter à la sérénité d’un quotidien presque ordinaire, sans craindre l’incident qui fait tout basculer. « Les enfants sont contents le matin de rejoindre la classe. Avant c’était la crise, ils avaient la hantise d’aller à l’école et de se retrouver parmi une classe à 30 élèves. ».

S’accrocher ensemble pour réussir

Si le dispositif ULIS leur permet d’être scolarisés, l’ouverture d’une unité ne va pas de soi. Bien que le gouvernement ait lancé une grande stratégie nationale pour l’autisme, l’inclusion scolaire adaptée relève d’une démarche volontaire et pugnace de la part des communes. C’est pour répondre au désarroi de parents, totalement démunis devant le manque criant de structures d’accueil pour leurs enfants, que la Ville a demandé il y a deux ans l’ouverture d’une seconde ULIS, dédié au trouble du spectre autistique (TSA). Un long cheminement durant lequel la Ville a préparé le projet en partenariat avec l’Education Nationale, soutenue par l’inspecteur académique, avec notamment la mise en place d’une référente spécial handicap, Stéphanie, à la Direction de l’Action Educative. Ouvrir une unité implique des équipements adaptés, mais aussi des moyens humains.. Après le déjeuner, dans un espace au calme dans le restaurant scolaire, un animateur spécialisé, Demba, diplômé dans le domaine des activités physiques adaptées, s’occupe d’eux dans une salle à part, où ils peuvent se détendre et jouer. Tout au long de la pause méridienne, les directeurs de l’accueil de loisirs exercent une vigilance de tous les instants pour s’assurer de leur bien-être.

 

Alors que la matinée est consacrée aux apprentissages, français et mathématiques, leur enseignant anime l’après-midi des exercices d’arts visuels et d’éveil musical, afin de travailler le développement psychomoteur, l’habileté et le sens de la coordination. Des activités pour les inciter à communiquer, à regarder les autres. Car même sans se parler, « ils forment une petite tribu, sourit Sangeetha. Dès que l’un est absent, les autres demandent de ses nouvelles. » Une petite tribu commençant à sortir de sa bulle. Dans la cour, les autres élèves viennent vers eux. Certains enfants de l’ULIS rejoignent aussi d’autres classes sur certaines disciplines telles que les mathématiques ou le sport. Car l’objectif des ULIS reste l’inclusion dans les classes ordinaires d’ici deux ans. Ou comment intégrer des enfants à l’intelligente divergente pour les aider grâce à l’école à se construire et se forger un avenir.

 

3 ULIS à Enghien-les-Bains

  • TFC (troubles des fonctions cognitives) à Ormesson 2 ; 
  • TSA (trouble du spectre autistique) à Ormesson 1 ;
  • TED (troubles envahissants du développement) au collège Georges Pompidou.

1 référente handicap créant le lien entre la ville et le scolaire

1 animateur spécialisé sur l’accueil d’enfants en situation de handicap

4 éducateurs sportifs formés au handicap dont l’autisme